Analyse de Traveling Riverside Blues, de Robert Johnson

 

c)Analyse de Traveling Riverside Blues, de Robert Johnson.

Représentant l’une des figures les plus emblématique du blues, Robert Johnson, qui est né en 1911 dans la ville de Hazlehurst, dans le Mississippi, n’apprend la guitare qu’à la fin des années 1920 avec des pointures du blues telles que Son House ou Willie Brown. De ses séances d’enregistrement se déroulant entre 1936 et 1937, il grave 29 faces, dont Terraplane blues, un modeste succès à l’époque, fait parti. Après sa mort en 1938 à Greenwood, Robert Johnson devient le musicien de blues le plus copié de sa génération, tant sa technique inédite a marqué les esprits, tout autant que les légendes qui courent à son sujet et qui expliquent le talent du jeune prodige par un pacte avec le diable. C’est ainsi que le style de Robert Johnson fait rapidement école et que tous les blues qui lui succèderont porterons la trace de sa technique.sample

(Partition à venir)

Traveling Riverside Blues est en fait une version du titre « Roll and Tumble » qui est un blues standard au bottleneck d’avant la première guerre mondiale, le titre sera d’ailleurs popularisé plus tard par Muddy Waters. Contrairement au blues précédent de Blind Willie Johnson, Traveling Riverside Blues, comme tous les titres de Robert Johnson, fait alterner le jeu au bottleneck et celui aux doigts, ce qui est constitutif d’un autre genre de blues en slide, sans doute encore plus courant que le premier. Ce morceau est exécuté par Robert Johnson avec sa guitare Stella accordée en Sol, de même que la tonalité du morceau lui-même. L’harmonie qui en découle est elle encore assez simple et axée autour des degrés fort I, IV et V, chaque accord prenant deux mesures et le tout s’enchaînant sous la forme IV, I, IV, I, V7, I lors du premier couplet puis d’une manière encore simplifié pour les suivants.  Les paroles sont assez légères, puisqu’elles parlent comme souvent dans le blues d’amour, et respectent le schéma classique des strophes AAB, qui sont au nombre de cinq. La transcription présentée ici montre l’introduction ainsi que les quatre premiers couplets, le cinquième étant une simple reprise, ce pour montrer les variations que comporte chacun d’entre eux et qui soulignent l’importance à la fois de l’interprétation et de l’improvisation dans le blues. Ces cinq couplets sont par ailleurs divisés en 12 mesures, tel qu’il en est de coutume depuis dans le blues, mais il faut noter que si ces mesures sont binaires et respectent quatre temps dans la quasi-totalité du morceau, nombre de mesures comportent quant à elles six temps. En effet, comme cela est souvent le cas dans le blues du delta, les artistes, n’ayant pas la nécessité de se cadrer sur d’autres musiciens, s’accordent une certaine liberté avec la métrique. Ces changements ne sont cependant pas ici anodins ni fortuits, puisque chaque mesure de six temps intervient lors de passages instrumentaux servant à lier les différents vers.

L’introduction, d’abord, fait entendre une formule très typique du blues en slide, formule qui deviendra même emblématique et sera reprise maintes fois. En effet, le bottleneck glisse ici sur les trois cordes aigues à la douzième case, sur un Sol donc, mais l’effet au bottleneck est ici plus proche d’un hurlement plaintif que d’un tendre flou comme c’était le cas en steel-guitar hawaïenne, puisque si cette première mesure est dénuée de véritable vibrato, chaque accord est précédent d’un rapide et cours glissando, qui donne plus de mordant à l’ensemble. La mesure suivante comporte quant à elle le turnaround incontournable du blues, et en particulier de Robert Johnson qui en use abondamment dans ses titres afin de conclure ou d’introduire un passage. Ce turnaround est des plus classique, puisque exécuté aux doigts, il instaure un passage chromatique en triolet depuis la septième bémolisée, la blue note Fa, vers la tonique Sol, en un mouvement descendent. La mesure 3 ensuite prépare l’entrée de la voix à partir du troisième temps par une sorte d’anacrouse.

Ainsi, le premier couplet à la mesure 4 débute sur la sous-dominante avec un mouvement du slide assez feutré, faisant la part belle à la voix qui chante la quinte de l’accord, puis une septième bémolisée qui, sur le troisième degré de la gamme, est encore une blue note. La fin du premier vers à la mesure 5 est ensuite caractérisée par un glissando simultané de la voix, du Do au Si, et de la guitare, du Ré au Si, donnant une impression suspensive. Le passage suivant est alors dévolu au riff principal de la guitare slide, pendant deux mesures dont une à six temps, et est caractérisé par l’alternance de cours glissandos au bottleneck et de cordes jouées à vide, qui donnent une impression de staccato tout en gardant une certaine douceur. Ce cours passage sert de transition vers la répétition de la phrase A, qui reprend quasiment à l’identique son premier énoncé, jusqu’à l’arrivée du vers B. Celui-ci commence à la fin de la mesure 11, et fait entendre un Do persistant à la voix comme à la guitare, deux octaves en dessous, là où l’harmonie sous-entendue est pourtant un Ré septième. La ligne de guitare y est monodique et toujours avec un léger staccato mu par un vibrato très léger qui suis la voix. On retrouve ensuite naturellement la petite phrase de transition vers le deuxième couplet.

Ce couplet, qui début à la fin de la mesure 16, contraste avec le premier puisque la voix, qui reste elle similaire au premier couplet, y est accompagnée d’un accord de tonique assez brillant et incisif sur la douzième case de la guitare, donc à l’unisson et à la tierce de la voix, qui tourne autour du Sol comme dans le couplet précédent. Cette accompagnement suit les deux exposés de la phrase A, les passages purement instrumentaux ainsi que la phrase B restant quant à eux similaires au premier couplet.

Le troisième couplet, à partir de la mesure 28, est encore différent puisque si il reprend l’accompagnement sur Sol tel que déjà présent dans le couplet précédant, cette fois la formule de transition entre les deux phrases A reste sur ce même accord, accompagné d’une ligne de basse en Sol sur la cinquième corde à vide, et sur un rythme plus ternaire assez analogue à celui de la plupart des blues joués sans slide. L’autre particularité de ce couplet se retrouve sur la mesure 39, où l’on voit une alternance de Sol sur la 5ème corde à vide et de Do puis Sib sur cette même corde. Cette spécificité peut paraître assez anodine mais elle entraîne un caractère plus tendu qui illustre le texte clamant alors l’âme liée du chanteur à sa promise.

Globalement donc, Traveling Riverside Blues est caractérisé par le contraste existant entre les passages chantés et ceux purement instrumentaux. En effet, chaque entrée de la voix de Robert Johnson est accompagnée d’un accompagnement discret de la guitare, ou encore de phrases stridentes assez figuratives, mais toujours empruntes d’une certaine simplicité d’exécution, tandis que les motifs y succédant à la guitare sont plus agités, plus virtuoses même et marque une réponse implicite au texte. Cela apparaît comme une réminiscence de la pratique du répons de la tradition afro-américaine, la guitare jouant ici le rôle des chœurs déclamant une mélodie immuable répondant au soliste, ici la voix de Robert Johnson. C’est d’ailleurs sans doute l’utilisation la plus courante de la guitare slide dans le blues, dont on recherche surtout une peinture de la voix, et plus particulièrement de cris et de pleures venant soutenir le chanteur, à la manière d’un public invisible qui exprimerait ses émotions après chaque phrase.

Il faut enfin noter l’existence d’une polémique très récente concernant les enregistrements de Robert Johnson. En effet, la question se pose depuis très récemment de savoir si les enregistrements dont nous disposons respectent la vitesse effective à laquelle Robert Johnson les exécutait de fait. Certains musicologues et amateurs pensent ainsi que les enregistrements actuels sont d’une vitesse de l’ordre de 20% supérieur à ce qu’ils ne devraient, de sorte que Robert Johnson exécutait en fait ses compositions à la fois plus lentement et dans une tessiture plus grave. Tout un faisceau d’indices s’appuyant sur de rares témoignages, sur les habitudes de l’époque et surtout sur une analyse des spectres harmoniques tend à appuyer cette théorie, qui, si elle s’avérait vrai, poserait cette même question à l’ensemble des enregistrements de l’époque. Quoiqu’il en soit, si une déformation des enregistrements est effective, le timbre des œuvres que nous connaissons serait changé mais pas l’analyse, qui s’appuie sur des comparaisons d’enregistrements d’époque et des critères harmoniques et mélodiques qui, même transposés, reste objectifs.

Enfin, si les pièces précédemment analysées donnent une idée des styles de guitare slide et de steel-guitar lors de leurs premières périodes d’exercice, l’histoire de cette technique instrumentale connaît, dès les années 1940, de profonds bouleversements.

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