Les éléments fondateurs de la guitare slide

 

1. Les éléments fondateurs de la guitare slide.

La guitare slide, qui naît entre la fin du 19ème siècle et le début du 20ème siècle, naît presque simultanément dans les traditions du blues et de la musique hawaïenne, il serait néanmoins inepte de penser que cette technique instrumentale soit née ex nihilo, en effet, celle-ci connaît des précédents organologiques et s’inscrit dans une trame historique ayant conduit à son adoption par les deux traditions musicales, et non à son invention.

a) La pré-existance de techniques assimilées au slide dans le monde.

Si la technique consistant à faire glisser un objet sur des cordes est constitutive de la guitare slide, elle connaît un certain nombre d’antécédents puisque cette méthode de variation des hauteurs se retrouve sur des instruments très différents de par leurs origines tant géographiques que chronologiques et par leurs constructions. Ainsi est-il difficile de dresser une filiation stricte de la technique de la guitare slide, il parait néanmoins nécessaire de noter la connaissance des instruments utilisant cette technique par les instigateurs de la guitare slide.

arc_musicalIl est en effet nécessaire de considérer ce qui apparaît comme étant probablement le premier instrument à corde : l’arc musicalsample. Qu’il s'appelle Berimbau au Brésil, Brobe pour le maloya à la Réunion, Eotilé ou Dodo en Côte-d'Ivoire, Be ou Mbegn pour les Pygmées, Umuduri au Burundiou encore Burumbumba ou Bruro-mmba à Cuba, l’arc musical connaît des formes et des techniques de jeu variées. Pour certains spécialistes il viendrait d'Afrique, mais on retrouve aussi des traces des premiers arcs musicaux sur des fresques préhistoriques dans la grotte des trois frères dans le département de l'Ariège en France. Le rôle de la caisse de résonance peut être joué  par la bouche, ou encore par le torse même de l’interprète, qui en approche ou en éloigne l’instrument de façon à faire varier le timbre. Il peut aussi être un cordophone composé quand on lui adjoint une caisse de résonance prenant la forme d’une noix de coco ou d’une calebasse coupée en deux. Enfin, l’arc en terre se sert d’un trou pratiqué dans le sol et recouvert d’une planche, sur laquelle est fixée l’arc, comme caisse de résonance. Quelle que soit sa forme, l’arc musical se joue en pinçant ou en frappant à l’aide d’une baguette la corde, anciennement végétale et à l’époque contemporaine plus souvent de fil de fer ou de lanière de pneu. Au même titre que le gimbri, ancêtre du banjo, l’arc musical fut apporté par les esclaves noirs d’Afrique en Amérique, et il est probable que son utilisation donna naissance à l’instrument qui, dès la fin du 19è siècle, servait d’accompagnement au blues : le diddley bow.

En effet, dérivé immédiat de l’arc musical, et similaire à l’arc umakweyana d’où il tire son origine, instrument à corde unique supportée par une calebasse et joué par les jeunes femmes zoulous du Swaziland, le diddley bow, aussi appelé jitterbug, se présente le plus souvent sous la forme d’une corde métallique, d’une corde à linge ou d’une lanière de chambre à air tendue entre deux clous sur une planche ou un mur, la maison entière servant alors de caisse de résonance, et surélevée par des tassots diddleyde bois à chaque extrémité ou par une bouteille insérée de force entre la corde et le mur. Le diddley bow se rencontre aussi sous une forme plus proche de celle de la guitare par l’adjonction d’un manche à balai ou d’une petite planche, d’une boite, souvent de cigares, et d’une corde métallique. Ce type d’instrument se retrouve d’ailleurs encore fréquemment en Afrique centrale où des barils  métalliques pour la caisse de résonance et de véritables manches de guitare se substituent le plus souvent aux matériaux plus fragiles du sud des Etats-Unis du 19ème siècle. Proche de certain arcs musicaux,  le diddley bow se joue en frappant la, ou éventuellement les cordes à l’aide d’une baguette, ou par pincement, les variations de hauteurs se faisant par le glissement d’une bouteille ou d’un morceau de tuyau sur la corde. Il apparaît par ailleurs que l’instrument était souvent joué par deux enfants, l’un exécutant un rythme avec deux baguettes, l’autre s’occupant des inflexions de hauteur. Abondamment utilisé par les enfants du sud rural des Etats-Unis dès le 19ème siècle, cet instrument servi d’initiation musicale à de nombreux bluesmen n’ayant pas les moyens de s’offrir une guitare, tel est le cas de John Lee Hooker, B.B. King, Robert Johnson ou Muddy Waters, pour ne citer que certains des plus connus d’entre eux. Le père de Blind Willie Johnson, par exemple, fabriqua à son fils, alors âgé de 5 ans, un diddley bow, et son apprentissage du slide sur une corde unique est aisément reconnaissable à son style très mélodique où l’adoption d’une guitare à six cordes lui permet surtout d’ajouter une basse alternée aux lignes mélodiques jouées essentiellement sur la chanterelle. La filiation de cet instrument avec le répertoire du blues est néanmoins difficile à attester dans la mesure où les sources dont nous disposons à l’heure actuelle sont postérieures à l’avènement du blues et que certains témoignages comme celui de Bukka White, bluesman reconnu du début du 20ème siècle et grand utilisateur de la technique de la guitare slide,  font état du fait que certain musiciens comme lui-même avaient adopté le diddley bow après avoir appris la guitare en raison du prix des cordes ou encore par soucis esthétique. diddley-bow

gottuvadyamL’inde compte elle aussi quelques cordophones ayant la particularité d’utiliser le glissement d’un objet sur les cordes pour délimiter la partie vibrante des cordes. Tel est le cas du gottuvâdyam, appelé encore Chitra Vinâ ou atichitra Vinâ (ou veena), les musicologues attestant que l’origine de ce nom était la maha nataka veena. Ainsi le gottuvâdyam apparaît-il comme étant un dérivé de la famille des vînas indiennes et qui est le plus ancien des instruments à cordes encore en usage sur le continent indien, puisqu’il serait apparut vers le 2ème siècle avant J.C., sous la forme de la harpe arquée. Il possède un corps creux fait de bois dur d’environ 80cm de long et 10cm de large, sa partie supérieure est plate et l’instrument comporte un résonateur à chaque extrémité, l’un de bois et l’autre fait d’une calebasse ou d’une courge séchée. L’instrument comporte six cordes mélodiques, trois cordes faisant office de bourdon ainsi qu’entre onze et treize cordes sympathiques placées parallèlement sous les cordes mélodiques. Le gottuvâdyam est un instrument d’Inde du sud utilisé dans la musique carnatique, qui, dépourvu de touche, se joue horizontalement, posé à terre ou supporté par un genou, l’exécutant faisant vibrer les cordes à l’aide d’un plectre et y déplaçant un rouleau de bois ou un morceau de verre poli pour en faire varier la hauteur.diddley-bow De conception récente, le gottuvâdyam date de la fin du 19ème siècle, et, si il difficile d’attester une quelconque filiation entre cet instrument et la guitare slide au sens stricte, il est notable qu’au moins un musicien basé à Hawaï en connaissais la technique de jeu. Il s’agit de Gabriel Davion, esclave indien baptisé lors du voyage qui l’emmena à Hawaï peu avant les premiers indices de l’utilisation de la guitare slide. Le gottovâdyam d’inde du sud compte aussi son équivalent du nord, appelé vichitra vîna, dont la technique de jeu est similaire mais qui diffère sensiblement par sa construction, dans la mesure où sa longueur dépasse le mètre, le tout dans des proportions plus symétriques. La vichitra vîna possède quatre cordes mélodiques et deux bourdons (chikaris), ainsi qu’une douzaine de cordes sympathiques (tarabs).

Egalement sans connexion établie avec la guitare slide, l’épinette est un instrument connaissant une large diffusion à epinettetravers le monde, et de multiples déclinaisons tant par sa construction que par ses techniques de jeu. En effet, l’épinette est connue dans les régions d’Europe occidentale, centrale et septentrionale, ainsi qu’aux Etats-Unis. L’épinette connaît de nombreuses appellations selon les pays : langeleik en Norvège, langspil en Islande, moldpill en Estonie, hommel aux Pays Bas ou encore dulcimer aux Etats-Unis pour n’en citer que quelques-unes. Tous ces instruments appartiennent à la famille du psaltérion, qui fut la forme la plus courante de cithare médiéval, propagée en Europe depuis l’Espagne au XIème siècle, et issue du qânûn arabe. Ainsi l’épinette des Vosges est-elle formée d’une caisse longue et étroite en bois d’épicéa, d’acajou ou de palissandre sur laquelle sont tendus deux rangées de cordes métalliques, les unes faisant office de bourdon et les autres, placées sur une touche à sillets diatoniquement disposés, de cordes mélodiques. Il existe deux techniques de jeu liées à l’épinette et à ses dérivés ; dans chacune, l’instrument est posé horizontalement sur les genoux de l’exécutant et la main droite pince les cordes à l’aide d’un plectre, la main gauche, quant à elle, soit exécute des doigtés sur la touche diatonique, soit utilise un bâton nommé le noteur, d’un diamètre d’un centimètre à peine et fait de canne de Provence ou encore d’essences de bois durs exotiques tels que le palissandre,  l’azobé ou le bambou. Le noteur est alors glissé sur les cordes pour créer un jeu qui est en principe diatonique, bien que certains hongrois parviennent en dégageant l'index sur les notes chromatiques, à jouer à la fois au bâton, avec les doigts et chromatiquement.epinetteAux Etats-Unis, l’épinette n’est répandue que sous la forme du dulcimer, dit des Appalaches, puisqu’en étant originaire, et se distingue de l’instrument du même nom du Moyen Age, dont les cordes étaient frappée au moyen de marteaux et qui n’en est pas un descendant. La technique de jeu du dulcimer est similaire à celle de l’épinette et sert généralement, grâce à sa simplicité d’utilisation, à l’accompagnement de chansons du folklore américain ou à l’exécution de mélodies simple. Le dulcimer était très en vogue aux Etats-Unis dès la fin du 19ème siècle et beaucoup utilisé dans les premières formes de musiques country, dont le Hillbilly, qui empruntait par ailleurs beaucoup au style du blues puisque les représentants de chaque style se côtoyaient près des exploitations minières des Appalaches. Ainsi est-il permit de se demander si cette influence fut réciproque et si les musiciens de blues se sont inspirés de la technique de jeu au bâton du dulcimer, cependant nul témoignage ne vient corroborer cette possibilité et les joueurs de dulcimer dans le blues n’ont jamais été que marginaux.

Quoiqu’il en soit, le peuple afro-américain connaît donc des instruments à la technique proche de ce qui deviendra la guitare slide à la fin du 19ème siècle, et son adoption découle à la fois de cette connaissance et de l’histoire même des afro-américains, dont les pérégrinations entraîne l’émergence d’une nouvelle culture musicale variée.

 

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