La diffusion du blues

 

b) La diffusion du blues.

Si le blues est déjà largement répandu parmi la population afro-américaine des Etats du sud des Etats-Unis au début du 20ème siècle, sa reconnaissance artistique par le public américain connaît des débuts laborieux.

Durant les vingt premières années du siècle, le blues reste confiné aux  fêtes champêtres et « midnight ramblers », de fins de soirées  et aux bars mal famés tels que blindboyfuller« Honky Tonks » et « Juke Joints », les afro-américains s’y réunissant après le travail en un exutoire déchaîné où nombre de bluesmen se produit dans une popularité confinée au niveau local. La scène blues nationale, elle, reste dominée par des artistes de variété, paroliers et compositeurs du métier, qui offre une musique n’entretenant qu’un lointain rapport avec les courants du Mississippi et du Texas. C’est cependant ce premier engouement médiatique qui fait connaître l’existence de cette de cette musique naissante aux régions du nord des Etats-Unis, à l’instar du succès rencontré par W.C. Handy, qui, avec son « Memphis blues » édité en 1912 pour accompagner la campagne électorale de Edward H. Crumb, enflamme instantanément la ville de Memphis et permet pour la première fois de répandre à grande échelle cette nouvelle expression musicale. Il faut attendre le succès retentissant du « Crazy blues » de Mamie Smith le 14 janvier 1920 pour la firme Okeh, qui se vend à plus de 75.000 exemplaires et qui marque l’avènement des « Race records », pour que les maisons de disque du nord prennent conscience de l’existence d’un public pour cette musique du sud, d’abord par le biais de chanteuses d’un blues emprunt de vaudeville  appelé « blues classique », comme Ma Rainey ou Ida Cox, qui peuvent alors sortir de l’anonymat, puis vers  la recherche du courant plus « primitifs » des solistes du sud. Ces maisons de disque organisent alors des sessions d’enregistrement en faisant venir des représentants du blues du delta à Chicago ou ailleurs, tandis que certaines firmes comme Okeh, Columbia ou Paramount envoient des « découvreurs de talents » ou autres producteurs à l’affût de vedettes potentielles. Ces enregistrements de terrain, les « Fields recordings », deviennent l’opportunité pour de nombreux musiciens de blues de se faire connaître en entrant dans l’industrie du disque en pleine expansion. Le premier musicien ayant profité de ce nouvel engouement semble avoir été Papa Charlie Jackson (~1890, Nouvelle-Orléans ; 1938, Chicago, printemps), chanteur, banjoïste et guitariste représentant d’un style déjà dépassé en 1924, lors de ce premier enregistrement pour le label Paramount où il grave « Barrelhouse Blues » à Atlanta en Georgie, puis « Papa’s Lawdy Blues » et « Airy Man Blues ». Ainsi la voix est elle ouverte à une déferlante d’artistes de blues rural dont la promotion est en grande partie dictée par des professionnels de la musique locaux, ou plus généralement des hommes d’affaire du sud disposant d’un réseau suffisant de relations parmi la population afro-américaine. Pour la plupart dirigeants de magasins de disques ou même de mobilier, ayant des contacts avec une importante clientèle noire, ceux-ci ont l’habitude d’organiser des concours qui se changent vite en auditions d’où ils tirent une connaissance poussée du monde musical du delta et du sud est des Etats-Unis qui leur permet de faire le lien entre les industrie du disque du nord et l’extraordinaire abondance de talents artistiques du sud. Partant, se détachent des noms comme celui de James Baxter Long, propriétaire d’un magasin de disque de Durhamen, en Caroline du nord, qui permet la révélation d’artistes du Piedmont tels que Blind Boy Fuller, sonny Terry et Brownie McGhee, ou encore celui de H.J. Speir, détenteur d’un magasin de Jackson dans le Mississippi qui est à l’origine de la promotion de nombreuses légendes du blues telles que Skip Jamessampleou du fameux Charley Patton. Ainsi les années qui suivent voient l’enregistrement de quelques 200 solistes et petites formations grâce à l’essor de ces véritables expéditions dont le but est de créer des vedettes.

Il n’y a à l’époque aucun véritable studio d’enregistrement dans le sud des Etats-Unis, et c’est donc dans des conditions précaires que les séances d’enregistrement john_lomaxse font. Le plus souvent, les représentants des maisons de disques s’installent pour quelques jours dans une bourgade et la radio locale invite tous les bluesmen locaux à venir munis de leur instrument dans un magasin, ou même directement dans une chambre d’hôtel aménagée pour l’occasion en studio de fortune. Les producteurs de l’époque étant totalement ignorant de la musique afro-américaine, aucune sélection n’est faite et tout artiste se présentant se voit permettre l’enregistrement de deux titres sur le 78 tours, standard de l’époque, qui sont directement commercialisé. Si le disque ne se vend pas, l’artiste est laissé de côté, si au contraire il rencontre un succès suffisant, le producteur intéressé essaie de reprendre contact avec l’artiste en question pour l’inviter dans les studios de New York ou de Chicago, tâche ardue puisque nombre de bluesmen donne des pseudonymes ou cherchent à fuir la police. Au début des années 1930, le matériel d’enregistrement devient portable et les investigations vers sud profond perdurent en même temps que croît l’intérêt du public pour une musique profondément identitaire dont on commence à sentir qu’elle marquera toute la musique populaire des Etats-Unis. Parfaite illustration de ce phénomène, John A. Lomax et son fils partent en tournée dans le sud pour le compte de la bibliothèque du congrès, écumant, entre autres, les prisons du Mississippi et du Texas qui fourmillent de talents inédits. Telle apparaît la première illustration d’un intérêt encore embryonnaire des intellectuels du nord pour le blues.

Mais la croissance du succès du blues et l’élargissement de son auditoire restent étroitement lié à son évolution stylistique, elle-même subordonnée dans une large mesure au rêve de longue date attaché à de nombreux noirs du sud rurale : la promesse de conditions de vie utopiques des grandes villes du nord. Ainsi nul afro-américain du sud des Etats-Unis ne peut rester insensible aux annonces des compagnie industrielles du nord qui font miroiter un niveau de vie bien supérieur, à l’instar de Henry Ford qui garanti, dès 1914, un salaire quotidien de cinq dollars à tout noir près à travailler dans ses usines. Les bluesmen qui rêvent d’une liberté toujours bafouée dans leur sud natal sont évidemment attirés par cet eldorado, et la migration progressive vers le jug_bandnord influe grandement à la fois sur leur musique et sur sa diffusion. La première étape est marquée par la grave crise du coton de l’entre deux guerres qui entraîne une large partie de la population noire vers les capitales régionales comme Memphis, Atlanta, Saint Louis ou la Nouvelle Orléans qui voient alors la constitution de nouveau ghettos qui abritent chacun des styles de blues particuliers. Le vieux blues du delta et sa guitare slide caractéristique peuvent enfin faire des émules, s’enrichir des autres traditions de blues et plus généralement de la culture musicale plus vaste des grandes villes, susceptibles entre autres d’accueillir des spectacles de musique hawaïenne. Les musiciens solitaires, par la fréquentation des grandes villes, s’associent en petites formations plus à même de captiver l’attention des auditoires urbains. A Memphis ces formations prennent la forme de « Jug Bands » ou les guitares côtoient les instruments de fortunes comme les jugs, jarres faisant office de basse, harmonicas et autres kazoos.sampleLà comme ailleurs la compagnie des autres musiciens oblige les bluesmen du sud rural à s’adapter à une métrique plus stricte, alors qu’ils sont traditionnellement peu habitués à la discipline nécessaire  du jeu en groupe, exercice qui paraît encore plus difficile aux adeptes du jeu en slide dont l’intérêt est justement de se substituer à une tierce personne. Ainsi lorsque les premiers enregistrements de blues du sud profond interviennent dans les années 1920, celui-ci porte déjà en lui les germes d’un changement qui lui permettra de s’épanouir au-delà du cadre fixé par les majors de l’époque, à l’aube d’une crise sans précédent qui marquera une nouvelle évolution du blues, et par là, du rôle qu’y joue la guitare slide. En effet, le son déjà inédit pour une large frange des populations urbaines du sud des guitares slide accompagnent les migrant noirs vers ce qui est leur ultime étape : Chicago. Dans cette ville à l’activité foisonnante, le blues va encore évoluer vers des petites formations orchestrales d’où le label RCA-Record tire l’opportunité de relancer la vente de disques dont le prix est largement revu à la baisse pour une clientèle locale noire, ce avec une série spéciale : Bluebird. Ainsi naît la première forme de Chicago blues : le Bluebird blues où s’illustre des musiciens comme Bill Big Broonzysampleou Tampa Red, surnommé le magicien de la guitare slide. La fin des années 1950 voit une accélération de la migration sudiste que le Bluebird blues trop policé n’attire pas et qui amène leur blues rural, vite revivifié par l’électricité.

L’expansion de la sphère d’influence du blues passe donc par plusieurs étapes, et il n’est donc pas étonnant que les contacts y ayant cour constituent un creuset de mixages stylistiques pour le blues, mais aussi pour les musiques environnantes comme la musique hawaïenne.

<-- précédent - suivant -->


Warning: mysql_connect() [function.mysql-connect]: Access denied for user 'snico2'@'172.20.245.54' (using password: YES) in /mnt/129/sda/3/c/snico2/visite/connect_visite.php on line 6

Warning: mysql_select_db() [function.mysql-select-db]: A link to the server could not be established in /mnt/129/sda/3/c/snico2/visite/connect_visite.php on line 7

Warning: mysql_query() [function.mysql-query]: A link to the server could not be established in /mnt/129/sda/3/c/snico2/visite/visite.php on line 24

Warning: mysql_fetch_object(): supplied argument is not a valid MySQL result resource in /mnt/129/sda/3/c/snico2/visite/visite.php on line 25

Warning: mysql_query() [function.mysql-query]: A link to the server could not be established in /mnt/129/sda/3/c/snico2/visite/visite.php on line 41
requete invalide supp ip