Les éléments constitutifs de la guitare slide dans le blues

 

b) Les éléments constitutifs de la guitare slide dans le blues.

La guitare slide, en tant que l’un des éléments du blues, n’est pas la règle en régissant l’ensemble, cependant, elle en est une caractéristique essentielle, et son introduction découle, comme le blues dans sa globalité, de l’histoire d’un peuple déchiré et riche d’une culture musicale constituée par l’appropriation de bien des facteurs environnant.

La naissance du blues découle de l’assimilation par les afro-américains des chants de travail importés des traditions africaines rythmant les travaux collectifs avec, bagnardsdans une moindre mesure, la musique blanche américaine de l’époque, essentiellement irlandaise. L’apport des traditions vocales africaines se traduit par une relation étroite entre la mélodie et le texte, ce, par des techniques vocales telles que glissandos ou coulés, qui furent intégrés aux spirituals et aux work songs des afro-américains.sample Ainsi ces chants en forme de répons où un ouvrier chante une phrase qui est répétée par les autres ouvriers accompagne le travail des noirs sur les plantations de coton ou de tabac, ainsi que les travailleurs de force tels que  les poseurs de voies de chemin de fer ou ouvriers de carrière ou encore les bagnards.sampleLors de l’émancipation des esclaves proclamée par Abraham Lincoln en 1863, si les conditions de vie des afro-américains n’évoluent guère, l’accession de ceux-ci au métayage change la tradition musicale de ces chants de travail de par la réduction de la taille des exploitations. Les familles noires exploitent alors les petites parcelles de terres des blancs et c’est ainsi que les « work songs » se transforment en « field hollers », littéralement les beuglements de champs, par lesquels les ouvriers agricoles communiquent d’une plantation à l’autre par de courtes phrases chantées, les « shouts », autrement dit des cris.

L’émancipation est aussi l’occasion pour de nombreux afro-américains de se convertir au christianisme, dans lequel ils trouvent le réconfort qui leur est toujours refusé par la ségrégation toujours de mise dans les Etats du sud. Les raisons de cette christianisation sont de plusieurs ordres, mais il est de fait que la description du martyr des juifs opprimés dans la bible se rapproche aisément de la situation des afro-américains. Cette conversion est alors particulièrement l’occasion de faire et d’écouter de la musique sous forme de spirituals.

Dans le même temps et déjà bien avant l’émancipations des noirs des Etats-Unis, les esclaves ont l’habitude de se rassembler après le travail pour faire de la musique. Ils empruntent alors les instruments de leurs maîtres blancs, souvent le violon, et utilisent le banjo, dérivé du banjur africain, et instrument le plus populaire chez les afro-américains à la fin du 17ème siècle et au début du 18ème siècle. C’est ce dont témoigne le livre de Thomas Jefferson « Notes on the State of Virginia » où il décrit le banjur comme ayant été importé d’Afrique et étant propre aux esclaves de sa plantation. Karen Linn cite Dena Epstein comme ayant trouvé de nombreuses références à des instruments comme le « banza », le « banjil » ou le « banjer » africains, dont les américains se servirent pour donner naissance au banjo. Malgré tout, la présence d’instruments de musique ne se généralise qu’après l’émancipation des afro-américains, plus particulièrement la guitare, amenée par les européens, et qui a comme avantage d’être peu onéreuse, d’être proche du banjo et de permettre l’accompagnement de la voix, alors que banjos, harmonicas et percussions restent relativement rares.

Popularisés avant la guerre de Sécession, « les minstrel shows », mélanges de danses, de spirituals et d’airs populaires interprétés par de petits orchestres blancs qui minstrelse griment en noirs pour parodier la vie des afro-américains, sont repris dès 1855 par les noirs qui connaissent un énorme succès auprès de la communauté noire dès l’émancipation, pour proliférer entre 1875 et 1895. C’est ainsi que de petits orchestres noirs font le tour des plantations le week-end et lors des fêtes.

Les « field hollers » se transforment alors par ces différents apports stylistiques, et on estime que c’est aux alentours de 1890 que ceux-ci adoptent le schéma harmonique les changeant en blues dans le sud des Etats-Unis, que l’on nomme le delta du Mississippi, région qui s'étend de Memphis à La Nouvelle-Orléans et du Mississipi à la Yazoo River, s’étendant ainsi sur pas moins de cinq  Etats (Tennessee, Mississipi, Arkansas, Alabama et la Louisiane). La guitare devient vite le partenaire privilégié des chanteurs afro-américains en jouant le rôle de répons dans le dialogue musical instauré dans les work songs et les field hollers, et plus particulièrement à travers la technique du slide qui permet une imitation des inflexions de la voix et du style vocal des field hollers et des spirituals. La technique de la guitare slide permet en effet l’assimilation des différents éléments stylistiques ayant préludés à l’émergence du blues, puisqu’en plus de perpétuer la tradition de la forme des répons, celle-ci permet, par l’accordage en « accords ouverts », l’utilisation d’une basse alternée chère au ragtime et aux « coon songs » des minstrel shows, et d’accords joués sur les cordes à vide donnant un effet de bourdon.

Si l’on accole ainsi souvent le blues du delta directement à la tradition de la guitare slide, le régionalisme stylistique prévaux largement dans le blues et il serait inepte de voire la technique de la guitare slide d’essence blues comme une tradition issue spécifiquement du Mississippi puis transposée aux blues des autres régions du sud des Etats-Unis. En effet, si la plupart des représentants de la guitare slide blues des premières générations sont de fait issues du delta du Mississippi, tout un faisceau d’indices positifs semblent indiquer que le jeu au bottleneck n’est pas constitué de l’évolution d’une branche exclusive de la musique. Le blues en tant qu’expression tant instrumentale que vocale est subordonné dans une certaine mesure à la disponibilité de certains instruments de musique. Il faut donc attendre une expansion suffisante des réseaux de transport et plus particulièrement du transport ferroviaire pour que les régions les plus isolées du sud des Etats-Unis puissent profiter de l’évolution des sociétés de vente par correspondance qui sont, à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle l’unique moyen de se procurer des guitares. Le système du « Rural Free Delivery », autrement dit de la gratuité des envois vers les régions rurales, ne devient en fait effectif qu’à partir de 1896, date à partir de laquelle ce mode de consommation connaît une extraordinaire croissance, multipliant les ventes d’instruments de musique tels que ceux offerts par la firme Sears Roebuck depuis 1893 déjà. Le prix alors faible des guitares, qui sont disponible à partir de 1,89 dollars, les rend accessibles même aux fermiers des petites exploitations agricoles.

Ainsi un grand nombre de guitares arrive dans les régions du sud profond, et ce marché est alors pour sa plus grande partie dévolu aux populations noires, attirées papa_charlie_jacksonpar les publicités ventant l’extrême durabilité des guitares. La transition entre le banjo et la guitare n’est alors pas très ardue pour les afro-américains, ce premier instrument étant le plus souvent à l’époque dénué de frette et permettant ainsi aux doigts de glisser le long des cordes, sous lesquels les musiciens placent fréquemment une tige de métal afin d’en améliorer les qualités tonales. Dès lors nombre d’artistes adaptent leurs techniques de banjo à la guitare, phénomène que l’on reconnaît aisément chez l’un des rares bluesmen ayant enregistré au banjo, Papa Charlie Jacksonsample, qui, lorsqu’il utilise la guitare, emploi un style dont la réminiscence du banjo est évidente. De même, des bluesmen comme Barbecue Bob et Charlie Lincoln, tous deux basés à Newton County, en Georgie, utilisent une guitare à 12 cordes avec un style encore très proche du banjo, et, en Caroline du nord, le chanteur de blues Willie Trice commence à s’accompagner en utilisant la technique du slide sur un banjo.

Il faut par ailleurs noter que la guitare est utilisée par les afro-américains dès la fin du 19ème siècle, grâce à sa portabilité, dans des environnements peu propice à sa longévité, tels que les champs des exploitations agricoles ou le long des chemins menant aux frontières des Etats Unis. Conséquemment, la guitare étant d’une stabilité moindre à l’époque face aux changements climatiques, les manches ont tendance à se déformer, éloignant de ce fait les cordes de la touche et rendant le jeu au doigt plus ardu. Ce haussement de l’action des cordes se prêtant alors mieux à l’utilisation d’objets comme des peignes, couteaux ou autres sur celles-ci.

Enfin, le fait que l’on retrouve l’utilisation d’accordages « ouverts », souvent en sol ou en ré, sur la guitare, comme sur le banjo et le dulcimer également courants à l’époque, dès les prémisses du blues, comme c’est bien souvent le cas dans les cultures s’appropriant la guitare et la pratiquant en autodidactes, pour en faciliter le jeu, rend aisé l’adaptation de l’instrument aux techniques de slide.

Ainsi, ces facteurs conjugués avec l’utilisation traditionnelle du diddley bow dans les région du sud des Etats-Unis explique le fait que l’adoption de la technique de la guitare slide reste une évolution logique des pratiques instrumentales des afro-américains. Cette filiation apparaît en outre comme étant assez analogue aux phénomènes ayant préludés à la naissance de la guitare hawaïenne, dont la culture est issue de traditions principalement vocales.

 

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